Notre état des lieux sur l'origine et la production des Benjie.

Notre état des lieux sur l'origine et la production des Benjie.

Publié le : - Catégories : Mieux
Pour les besoins de la certification B-Corp, nous avons entrepris un long voyage au cœur de la traçabilité de nos chaussures. C’est l’un des nombreux points positifs de cette certification : nous pousser à creuser et à aller au fond des choses…

Cela semble presque incroyable. Comment est-ce possible de ne pas savoir exactement ce qu’on achète pour fabriquer une paire de chaussures Benjie ? En réalité, nous le savions, mais principalement pour la partie « immergée » de l’iceberg : le fournisseur de rang 1, c'est à dire l’usine. Mais les fournisseurs de rang 2 : matière transformée, composants, voire de rang 3 : matière brute… Il faut être franc, c’était beaucoup plus opaque. Nous connaissions les pays de provenance : Espagne, Portugal et Italie et les principaux fournisseurs : les tanneries par exemples ou les fournisseurs de semelle mais, derrière, nous n’avions pas tant d’informations. Sans une action volontaire et énergique de l’entreprise, il est très facile de s’en remettre à son fournisseur de rang 1 et de ne pas avoir des vues sur le reste. Heureusement, notre chaîne de valeur en Europe du Sud est sûre et très facilement contrôlable. Cela nous a conforté une nouvelle fois dans le choix d'avoir choisi de produire à coté de chez nous et dans l'UE.

Alors, nous avons creusé. Nous pensions avoir des certitudes mais avons appris plein de choses…

La provenance : 1 usine, 22 fournisseurs, 3 pays (Espagne, Italie, Portugal), à 1600km maximum de Genève.

Tous les composants des Benjie proviennent de ces 3 pays (Espagne, Italie, Portugal) et sont sur cette carte. A l’échelle de l’industrialisation d’une paire de chaussure dans le monde, on peut largement parler de circuit court.

L’Italie dans le détail

C’est le pays du cuir et des semelles. 3 de nos tanneries sur les 6 sont italiennes. 4 de nos fournisseurs de semelles sur les 7 sont italiens. Les industries sont concentrées dans le nord du pays, en Toscane et sur la côte adriatique.

L’Espagne dans le détail

L’Espagne est un pays qui a une longue tradition dans le travail du cuir avec des tanneries d’excellente qualité. 2 tanneries sur les 6 avec lesquelles nous travaillons sont espagnoles. C’est en Espagne que se situe notre seule tannerie certifiée GOLD par le Leather Working Group, un niveau de perfection dans le cahier des charges environnemental et social
Mais l’Espagne c’est aussi le pays du coton et de la laine. C’est là que nous achetons notre coton recyclé (recyclé et produit en Espagne à partir de déchets de coton collectés en Espagne).

Le Portugal dans le détail

Enfin le Portugal. C’est le pays de l’assemblage mais aussi du cuir et surtout des composants. D’un point de vue industriel, il est assez logique que les composants (velcros, lacets, mousses etc...) proviennent tous d’un rayon de 50km autour de l’usine. Nous avons aussi une excellente tannerie située dans le sud du pays, contrairement au Nord qui assemble.

89% de la composition d’une paire de Benjie porte une certification de protection des ressources ou de réduction de la toxicité très supérieure aux normes européennes (déjà les plus restrictives au monde même si elles ne sont pas parfaites...).

L’un des grands enseignements de la certification B-Corp a été le suivant : sans certification, point de salut ! Nous manipulons un produit dont la valeur environnementale est impalpable… Rien visuellement, ou presque, ne distingue un cuir certifié ou sans chrome d’un autre cuir. Impossible de faire la différence entre une matière recyclée et une autre. Sur les produits chimiques et toxiques c'est la même chose. L'Europe impose déjà des normes restrictives pour commercialiser les produits et en contrôler la toxicité: c'est la norme REACH. Cette norme, bien que probablement la plus restrictive au monde, reste imparfaite et critiquée. C'est pour cela, par exemple, que sur la question de la toxicité, nous allons bien au delà de la norme REACH avec la certification Oeko Tex Standard 100.

Voici un tableau qui résume 100% de la composition d’une paire de Benjie et quelles sont les certifications associées :

Quels sont ces labels, leurs avantages et leurs limites ?

4 labels certifient les Benjie  : Leather Working Group, Global Recycling Standard, Papier FSC, OEKO-TEX Standard 100.

Voici le détail de chacun d’eux pour comprendre ce qu’il certifie et ce qu’il apporte.

Le Leather Working Group

Ce label garantit 100% des cuirs que nous utilisons

Le Leather Working Group est une organisation à but non lucratif responsable de la principale certification environnementale au monde pour l'industrie de la fabrication du cuir.

Ils sont nés en 2005 pour palier à un manque de transparence dans une industrie qui reste opaque aujourd'hui. Ils sont parti du recensement des bonnes pratiques environnementales dans l'industrie du cuir, puis ils ont rédigé un cahier des charges et des directives portant sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de l’approvisionnement à la transformation. Ils proposent ensuite des audits aux industriels pour les certifier ou les aider à s’améliorer.

Selon nous, leurs points forts :
- Ils existent depuis près de 20 ans
- Ils auditent tout le monde : les tanneries, les grossistes, les importateurs
- Il existe plusieurs niveaux de certification pour les tanneries en particulier : or, argent et bronze. Cela donne une idée précise du partenaire avec qui on travaille. Sur les 6 tanneries avec lesquelles nous travaillons, nous avons deux tanneries bronze, trois en argent et une en or.
- C’est la norme dominante

Selon nous, leurs points faibles :
- Ils sont un peu les seuls. Un label « concurrent » amènerait du défi à la filière pour s’améliorer

- C’est une union de fabricants et de marques à l’origine. Même si aujourd’hui il y a plus de 1000 membres, un cahier des charges d’une tierce partie amènerait plus de neutralité que des parties prenantes, même si c'est souvent le cas: la grande majorité des labels sont d'abord créés par des acteurs de l'industrie

- Ce sont de très grosses marques qui ont créé le label à l’origine… Une initiative plus minimaliste et indépendante serait la bienvenue.
- C’est une bonne garantie sur le processus de tannage lui-même, ce qui est déjà bien MAIS… ce n’est jamais une garantie sur l’origine de l‘animal. Or, comme nous l’expliquions ici, c’est un des points les plus importants de cette industrie.

Voici un exemple de certificat LWG de notre tannerie espagnole.

Donc, en conclusion, c’est une certification et c’est mieux que rien. Cependant, la filière doit (et va, c’est sûr, car les enjeux de confiance des consommateurs sont en jeu) renforcer sa certification dans les prochaines années.

2/ OEKO-TEX Standard 100

Ce label garantit tous nos composants : velcros, lacets, mousses, semelle intérieure, partie synthétique de la structure d’une Benjie.

Le label Œko-Tex Standard 100 est un label, aussi appelé “Confidence in Textile” qui garantit l’absence de produits toxiques dans les textiles lors du processus de production. Cela vaut à la fois pour l’Homme (soit les travailleur·euses qui ont fabriqué le produit, soit pour les consommateur·rices qui l’achètent) et également pour l’Environnement.
Au final, il assure que la production de matières ou de produits finis sont dépourvus de substances toxiques. C’est un label autrichien, allemand et suisse reconnu partout dans le monde. Il va au delà de la norme européenne MACH en la matière.

Selon nous, leurs points forts :
- Ils existent depuis près de 20 ans
- Le label est connu dans le monde entier
- Le produit est testé en labo et c’est la méthode du worst case scénario qui s’applique (si le pire passe, le produit est certifié), c’est donc bien exigeant et le label est crédible. Il faut refaire des tests tous les ans, ce qui garantit la qualité sur le long terme Les critères d’essai et les valeurs limites vont bien au-delà des données en vigueur sur le plan national et international.


Selon nous les points faibles :
- Ne signifie pas bio ou éco sourcé.

Voici un exemple de certificat de nos fournisseurs de mousse et de lacets.

3/ GRS (Global Recycled Standard)


Ce label garantit que le coton que nous utilisons sur nos chaussures d’été est bien issu du recyclage.

Le label a été créé en 2008. Textile Exchange en est l’organisation faîtière aujourd’hui. Elle réunit des parties prenantes issues d'organisations industrielles, de membres de la chaîne d'approvisionnement, d'experts et de marques. Elle dispose d’un large panel de labels de certifications en matière de recyclage et de provenance des textiles et de la laine.

C’est un label important quant il s’agit de garantir que le tissu vient bien du recyclage et non d’une matière première. C’est aussi un super label pour garantir que le recyclage a été fait dans le respect de l’environnement et des ouvriers qui l’ont produit.

Selon nous, leurs points forts :
- Le label est connu dans le monde entier et dispose d’une vraie autorité en la matière
- Il garantit non seulement la provenance du recyclage mais aussi les conditions environnementales et sociales.

Selon nous les points faibles :
- Rien ne remplace la transparence de la marque sur ce qu’elle dit : en effet, le label a pour but de favoriser l’utilisation du recyclage et peut être accordé à un produit fini composé d’au moins 20% de matière recyclée… Le diable se cache donc dans les détails. D’ailleurs, notre coton recyclé n’est pas 100% recyclé : c’est 70% de coton recyclé et 30% de de viscose Ecovero®. L'Ecovero® est une matière écologique produite à base de pulpe de bois issu de forêts durables FSC ou PEFC.

Voici notre certificat ici.

4/ Papier FSC


Une partie de la structure des Benjie pour les enfants et les juniors (le maintien sous le talon) est en carton. Ce carton est en papier recyclé issu de forêts gérées FSC.

Le Forest Stewardship Council (FSC) est une ONG internationale dont la mission est de promouvoir une gestion écologique, sociale et économique des forêts. C’est aussi un écolabel qui garantit que la forêt qui a généré un produit fini (meuble, papier etc…) a été gérée durablement. L’idée de base est de lutter contre la déforestation.

Selon nous, leurs points forts :
- Le label est connu dans le monde entier et dispose d’une vraie autorité en la matière
- Le sujet de la déforestation est primordial. Il paraît indispensable aujourd’hui de s’assurer que la matière première « bois » est aussi importante à préserver que les autres ressources naturelles en danger.

Selon nous les points faibles :
- On ne peut pas faire la sourde oreille au travail de certaines ONG qui affirment que la norme n’est pas assez fiable et n’empêche pas la déforestation. Il y a eu des scandales, notamment au Congo ces dernières années.

4/ La semelle, notre point à travailler

La semelle est la seule partie des Benjie qui ne fait pas l’objet d’une certification. Nous achetons nos semelles aux plus grands fabricants italiens et portugais. Elles sont d’excellente qualité mais ne se distinguent guère des standards de l’industrie pour notre niveau de gamme.

Notre semelle est en Thermoplastic Rubber (TR), un caoutchouc synthétique. C’est la matière la plus répandue avec la plastique pour fabriquer des semelles.

« Nous avons des pistes d’améliorations, mais, il faut le dire franchement, nous sommes confrontés à des limites actuellement ».

Nous travaillons sur les pistes suivantes pour remplacer tout ou partie de la matière actuelle par des équivalents :

- Il existe de nombreux projet très intéressant que nous suivons autour des déchets de production des semelles. Produire une semelle, c’est comme démouler un gâteau sorti du four. Il y a toujours un excès de matière sur les cotés du moule. Celui-ci est raboté et produit des « chutes ». Ces chutes peuvent être broyées et réutilisées pour produire une nouvelle semelle.
- Autre idée : dévulcaniser de vielle semelles, c’est-à-dire faire à l’envers le processus qui a transformé le plastique dur en caoutchouc synthétique (la vulcanisation). C’est ce que l’on appelle la dépolymérisation. Le matériau obtenu a des caractéristiques physiques moins bonnes que le matériau d’origine mais peut entrer dans la composition d’une nouvelle semelle, mélangé à du Thermo Rubber par exemple.
- Remplacer une partie de la masse par un composant « pâteux » issu du recyclage. C’est une piste que nous explorons en broyant des déchets et en les chauffant pour les transformer en pâte. Ce pourrait être le cas avec toute matière organique, papier ou synthétique donc une paire de Benjie usagée par exemple…
- Introduire du caoutchouc naturel. Cependant, le maximum utilisable pour que la semelle soit fabricable est de 40% de caoutchouc naturel, le reste est du caoutchouc synthétique. Donc, à moins de trouver un matériau recyclé, ce n’est pas la piste que nous préférons.

Les limites actuelles que nous rencontrons sont dues à notre taille et à notre modèle économique, la chaussure pour enfants…
La majorité des semelles présentes sur le marché s’achètent dans des sortes de grands catalogues. Les fabricants de semelles dessinent une semelle, créent un moule et produisent les semelles à la volée. Les designers viennent et choisissent sur catalogue la semelle qui habillera la future chaussure. La matière utilisée pour faire cela n’est jamais une matière naturelle ou issue du recyclage car c’est une ultra niche sur le marché de la chaussure. Elles sont toutes produites en thermo rubber et peuvent s’acheter à l’unité.

Si nous voulons produire nos semelles avec les matières listées plus haut, il nous faut fabriquer nos propres moules. Or :
- Les moules coutent très cher
- Il en faut beaucoup : nous utilisons au moins 10 à 15 semelles différentes par collections : baskets, bottes, sandales, premiers pas, junior……
- Nous faisons des chaussures pour enfants et il faut un moule par pointure. Contrairement aux adultes, notre amplitude de pointure est très large : du 19 au 40, soit 22 moules contre 7 moules (du 36 au 42) pour une chaussure femme.
- Pour lancer une production de semelle, y compris avec ses propres moules, il faut des volumes très importants

Conclusion, il faut du volume et des moyens, ce qui n’est généralement pas l’apanage des petites marques.
C’est pour toutes ces raisons que nous sommes encore aujourd’hui « obligés » d’acheter nos semelles sur catalogue, mais… nous savons dans quelle direction regarder pour changer cela.

Pour conclure, les 5 points à retenir

Voici en 5 points (qui sont détaillés plus haut), ce qu’il faut retenir de notre traçabilité :

Commençons par les points positifs et, heureusement, grâce à notre made in Portugal, ils sont nombreux :

- L’origine de notre chaussure : Portugal, Espagne, Italie… et c’est tout ! Nous avons en tout 22 fournisseurs, tous situés dans seulement ces 3 pays.

- De vraies certifications : 89% de la composition d’une paire de Benjie bénéficie d’une certification de préservation des ressources ou de réduction de la toxicité.

- Notre cuir est très bon et il est certifié : 100% certifié par le Leather Working Group, réducteur de toxicités (sans chrome) et d’une origine européenne tracée.

- Nos composants sont également très bons : origine européenne et 100% certifiés. Ils apportent 3 bénéfices directs : réducteurs de toxicité pour les velcros, mousses, lacets etc… (Oeko-Tex standard 100), préservation de ressources pour la structure (recyclage papier géré FSC) ou recyclage (Coton certifié GRC - Global Recycled Standard).

- Mais d’autres peuvent être améliorés :
La semelle, bien que d’origine Italienne ou Portugaise uniquement, est l’élément sur lequel nous allons devoir concentrer nos efforts pour sourcer une matière plus intéressante et qui rentre dans notre modèle économique.

Voilà, vous disposez d’un état des lieux exhaustif, honnête et loyal de ce que vous achetez quand vous choisissez une paire de Benjie!

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